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Importations : Le coût du transport maritime depuis la Chine explose

23 février 2021 Medias24

De 1.000 dollars avant la pandémie, les frais d'acheminement d’un conteneur depuis la Chine atteint les 8.500 dollars.

C’est du jamais vu dans l’histoire du fret maritime, signale la presse économique mondiale. Le coût du transport maritime depuis les ports chinois, celui de Shangaï notamment, s'est envolé ces trois derniers mois.

En France, des opérateurs économiques signalent que les prix sont passés de 3.000 ou 4.000 dollars il n’y a même pas trois mois, à plus de 10.000 dollars aujourd’hui.

Même phénomène au Maroc, où les frais d'acheminement d’un conteneur sont passés de 1.000 dollars avant la crise du Covid à 8.500 dollars actuellement, selon Abdelaziz Mantrach, président de l’Association professionnelle des agents maritimes et des courtiers d’affrètement du Maroc (APRAM).

Pénurie de conteneurs en Chine et explosion de la demande mondiale

« C’est un phénomène mondial qui ne touche pas que le Maroc, mais tous les pays qui importent depuis la Chine, en premier lieu les Etats Unis et l’Europe. Mais l’impact sur le Maroc est moindre qu’en Europe ou aux Etats Unis qui sont très dépendants du commerce avec la Chine. Au Maroc, plus des deux tiers de nos échanges se font avec l'Europe, où cette explosion des prix n’a pas eu lieu », souligne-t-il.

Ce phénomène de montée en flèche des prix du fret maritime ne concerne en effet que les produits en provenance de Chine.

La raison est simple selon M. Mantrach : la pénurie de conteneurs. « Avant la crise du Covid, lorsqu’un armateur envoyait son bateau pour une destination, le conteneur restait une semaine pour être déchargé, et revenait à son port de départ pour un nouveau chargement. A cause du Covid, des confinements et des politiques trop restrictives en Europe et USA, le même conteneur, au lieu de rester une semaine, reste bloqué plusieurs mois. Ce qui a provoqué tout naturellement une pénurie de conteneurs dans les ports chinois », explique le président de l’APRAM.

Et cette pénurie a coïncidé avec une explosion de la demande européenne et américaine poussée par la relance économique dans ces continents… Ce qui a enflammé encore plus les prix du transport.

Selon M. Mantrach, les armateurs mondiaux, une dizaine qui contrôlent 90% du flux mondial, ont essayé de remédier à la situation en commandant de nouveaux conteneurs. Mais les fabricants chinois ont profité de la situation pour multiplier leur prix de production par cinq. Ce qui n’a pas arrangé les choses.

Dans la presse mondiale, d’autres facteurs sont évoqués, en plus de la pénurie de conteneurs. Le quotidien français, Les Echos, évoque entre autres facteurs, le rebond de l’activité économique mondiale et la forte explosion de la demande sur le fret maritime, après une chute de 7% du volume des conteneurs au niveau mondial en 2020. « CMA-CGM a vu ses transports progresser de 18%, du jamais vu. L’armateur a d’ailleurs annoncé une hausse de sa capacité entre l’Europe et l’Asie », souligne le journal économique.

Autre facteur : la gestion des stocks des entreprises au niveau mondiale qui commencent à reconstituer leurs stocks de sécurité, disparus lors du premier confinement. Ce qui a participé à cette fièvre sur les prix du fret.

Des économistes et analystes internationaux cités par l’AFP parlent également de l’effet du changement d’habitudes de consommation provoqué par la pandémie, en Europe comme aux Etats Unis.

« Sans voyages, concerts ni dîners en ville, les Européens et les Nord-Américains dépensent leur argent en biens de consommation, dont beaucoup sont importés d'Asie », explique à l’AFP l’économiste et historien, Marc Levinson.

De plus, « la capacité du fret aérien a chuté de façon spectaculaire, obligeant certaines marchandises à voyager par mer », explique pour sa part Joanna Konings, analyste chez ING. De quoi « ajouter à la pression exercée sur la capacité de fret maritime et entraîner une hausse des prix, voire des pénuries », poursuit-elle.

L’impact sur les importateurs et industriels marocains

Si l’Europe et les Etats Unis sont les plus touchés par cette explosion des prix du transport depuis la Chine, le Maroc n’échappe pas également à cet effet.

Le pays n’est certes pas très dépendant de la Chine, mais beaucoup de commerçants, de grossistes mais aussi d’industriels marocains sont aujourd’hui affectés par ce phénomène.

Les premiers touchés sont les grossistes de Derb Omar, nous explique un commerçant. 

« Il y a certains commerçants à Derb Omar qui importent presque toutes leurs marchandises de Chine. Des choses basiques, mais de grande consommation. Avec cette flambée des prix constatée depuis octobre, certains ont arrêté d’importer, ce qui a créé des pénuries sur certains produits », raconte notre source.

Mais M. Mantrach tente de relativiser ces effets sur le commerce de gros, expliquant qu’il ne s’agit pas de produits de première nécessité et que l’impact ne sera pas global sur l’économie du pays.

En revanche, là où cette montée des prix du fret peut faire du mal, c’est dans le secteur industriel. Comme celui du textile qui dépend dans ses inputs de produits et de matières importées essentiellement de Chine.

« Toutes les industries sont concernées, il faut le dire, car dans toutes les composantes, on trouve une part de produits chinois, même si vous importez vos intrants d’Europe. Mais le textile est directement exposé, car cette industrie importe beaucoup de matières premières et de produits semi-finis de Chine », nous explique Karim Tazi, industriel du textile et patron de l’enseigne de prêt-à-porter Marwa.

Tissus, accessoires, boutons, fil, doublures, produits de teinture…, le textile marocain ne peut tourner sans ces matières ou produits venant de Chine.

« Faute de conteneurs, les prix ont flambé, mais aussi les délais d’acheminement qui sont devenus trop longs. Ce qui perturbe l’activité doublement, avec un risque de rupture de matières et un surcoût pour l’industriel qui ne peut pas impacter cette hausse de prix du transport sur le consommateur », précise M. Tazi.

« La logique serait d’impacter la hausse du coût sur le prix final du produit. Mais cette logique ne tient pas dans le textile, secteur où il y a une suroffre avec tous les produits qui déferlent sur le marché. Et quand il y a suroffre, les prix ne sont pas fixés par le producteur, mais par le marché. On ne peut donc pas augmenter nos prix. Beaucoup d’industriels perdent d’ailleurs de l’argent en ces temps… », ajoute-t-il. 

Retour à la normale dès fin mars ?

Ce problème des prix du fret vient selon lui ajouter au manque de visibilité actuel de nouveaux facteurs d’incertitudes.

« Avec une demande encore faible au Maroc et à l’export, ainsi que le manque de visibilité sur l’avenir, ce phénomène vient amplifier les incertitudes puisqu’on peut plus planifier l’achat de nos intrants, notre rythme de production, notre logistique…. », explique l'ancien président de l'AMITH. 

Sur les réseaux sociaux, des inquiétudes sur la pénurie de certains produits ou sur d’éventuelles hausse des prix commencent déjà à se faire sentir. Notamment sur le thé, un produit de grande consommation que le Maroc importe exclusivement de Chine.

Mais Abdelaziz Mantrach tente de rassurer : « C’est un phénomène passager lié aux déséquilibres créés par la pandémie. Selon les informations du marché, la situation reviendra à la normale dès fin mars. Avec les campagnes de vaccination menées dans le monde, les conteneurs aujourd’hui bloqués vont bientôt être libérés pour revenir en Chine. Ce qui va rendre un certain équilibre au marché et pousser les prix à la baisse », assure-t-il.

Même avis recensé dans la presse mondiale spécialisée, plusieurs experts évoquent « une poussée de fièvre qui sera de courte durée », du fait des campagnes de vaccination et de la levée espérée des mesures de confinement permettant aux modes de consommation de revenir à la normale.

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